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Interviews avec nos experts : Malick Diop

 

 

 

Malick Diop est le Coordinateur Général GSEF Dakar et du Réseau Acteurs et collectivités territoriales pour l’ESS du Sénégal.  

 

 

Bonjour Monsieur Diop, et merci d’avoir accepté cet échange. Pour commencer, pouvez-vous nous définir, avec vos mots, l’ESS, et nous dire en quoi cette définition est importante ? 

 

Comme l’économie classique, l’ESS est une activité économique de production de biens et de services. La différence avec l’économie classique réside dans sa finalité, ses moyens et sa gouvernance. Je pense que la définition officielle telle que proposée par l’OIT met trop l’accent sur les aspects « sociaux » et « solidarité » et pas assez sur la notion d’économie (avec toutes les caractéristiques qui la décrivent : performance, rentabilité, chiffre d’affaires). 

 

 

Quels sont les opportunités et défis auxquels fait face l’ESS pour faire progresser le travail décent ? 

 

L’ESS met clairement l’accent sur l’humain et sur la dignité humaine et potentiellement coche toutes les cases des 4 piliers du travail décent : l’emploi, la protection sociale, le droit des travailleurs et le dialogue social. 

 

Dans un premier temps, l’ESS permet l’auto-emploi. En ce sens, il favorise le travail local, de proximité, qui valorise les opportunités du terroir. Il s’agit de création d’emplois durables, ancrés dans le territoire et la collectivité. On ne peut pas délocaliser ce type de travail. Dans un second temps, l’ESS est une économie centrée sur l’humain. Elle peut permettre une protection sociale durable car la solidarité est ancrée dans ses principes. De plus, l’ESS a largement dépassé le combat pour le droit des travailleurs, car par définition, la gouvernance participative qui définit les structures de l’ESS octroie pleinement ces droits aux travailleurs et aux employeurs et efface même les notions de patronat et de salariat. Dans l’ESS, il n’y a pas systématiquement cette confrontation entre ces deux classes telle qu’on l’observe dans l’économie classique. Les relations sont parfaitement horizontales avec un effacement des frontières hiérarchiques verticales traditionnelles. Finalement, alors que dans une entreprise classique le dialogue social est un droit à faire appliquer avec des cadres et des règles, dans l’ESS le dialogue social est permanent. Il n’y a pas besoin de dessiner des cadres et des règles pour pouvoir faire appliquer ce droit au dialogue social, car il est intuitif. A condition qu’il soit reconnu, valorisé et performant, l’ESS a ainsi tous les prérequis pour offrir les conditions d’un travail décent si on l’applique aux 4 piliers qui définissent le travail décent. 

 

Cependant l’ESS fait face à plusieurs défis. D’une part, le rôle de l’ESS dans le développement du travail décent est freiné par l’absence d’implication des autorités pour la promouvoir. Un autre frein est la faiblesse des financements pour l’ESS, alors que de nombreux financements et fonds ont été créés pour l’économie classique. Par exemple, les banques classiques ne financent pas les OESS en l’absence de garantie. Il y a aussi la faiblesse du cadre juridique. Au Sénégal, par exemple, même si une loi-cadre sur l’ESS a été mise en place en 2021, les décrets d’application tardent à sortir. 

 

 

Quel rôle doivent jouer les Etats et les partenaires sociaux dans la promotion de l’ESS ? 

 

L’Etat doit mettre en place des stratégies qui favorisent la formation, le financement et l’encadrement pour promouvoir l’ESS. Tout le dispositif d’accompagnement doit être mis en place comme les politiques publiques ont pu le faire pour l’économie classique. Au Sénégal, bien que des avancées notoires ont été constatées, un travail important est encore nécessaire afin de mettre en place un cadre réel de concertation pour que toutes les parties prenantes puissent s’exprimer. 

 

 

Quelles seraient vos recommandations pour une meilleure promotion de l’ESS ? 

 

Il faudrait pousser à la collecte de données et la génération de statistiques sur l’ESS, car cela permettrait de bâtir des politiques publiques plus éclairées. Finalement, il faudrait accompagner les Etats dans la mise en place des cadres juridiques incitatifs et favorables à la promotion de l’ESS, et permettre la mise en place de mécanismes de financement adaptés et adaptables pour que le cadre des OESS soit sain et ne les mette pas « sous perfusion ».